Equipement et découverte de la ligne : 2019

J’ai équipé cette voie durant l’été 2019.

Après avoir réalisé la première ascension de la rage d’Adam 9b/+, je voulais un autre challenge, quelque chose d’encore plus dur.

Je me suis dit qu’il me fallait une voie vraiment au-dessus de mon niveau pour que je puisse me dépasser.

Il me fallait une ligne qui me motive à y retourner encore et encore, quelque chose de beau, d’impressionnant, dans un endroit somptueux.

La Ramirole était l’endroit parfait pour ça. C’est une falaise qui est en condition une grande partie de l’année, pas loin de la maison. L’endroit est magique et donne envie de se dépasser.

C’est une falaise que je connais par cœur, j’y grimpe depuis plus de10 ans. S’il y avait un endroit pour se lancer un tel défi, c’était celui-là.

En regardant bien le mur, j’ai vu qu’il y avait une ligne en plein milieu, dans l’immense baume, dans une partie avec moins de prises.

Je me suis dit qu’il fallait essayer, au risque que ça ne passe pas.

Lorsque j’ai posé les points, je voyais des prises. Mais je ne savais vraiment pas quoi en penser. Le dévers est tellement gros, il fallait essayer.

Les premières montées ont été laborieuses. Je ne comprenais rien.

Ça me paraissait trop grand, trop dur, trop laborieux.

Lors de la fin de saison 2019, J’ai essayé de trouver des méthodes et comprendre la ligne.

2020

J’ai essayé la voie durant les mois de Juillet, Aout, Septembre, Octobre, Novembre

2021

Idem, j’ai essayé la voie durant les mois de Juillet, Aout, Septembre, Octobre, Novembre, Décembre

2022

Je l’ai faite au second trip du printemps.

J’ai fait un premier trip de 14 jours début Avril. Je suis rentré m’entraîner une semaine, et je suis revenu pour un second trip.

Je l’ai faite lors du 3ème jour du deuxième trip 2022. 

Le jour de l’enchaînement :

10°, du vent, un temps sec,… Les conditions parfaites.

Cependant, je n’avais pas dormi de la nuit. J’étais stressé, et du coup fatigué.

Mais on était là, et les bonnes conditions faisait oublier la fatigue.

Étonnamment, je me sentais léger, je volais sur les prises dans les voies d’échauffement.

Il y avait un truc. J’étais en forme, et avec les conditions incroyables, je le sentais, j’avais ma chance.

Mais je l’avais déjà eu tellement de fois ma chance, …

Départ dans la voie, je me sens voler, pas de fatigue, ça avance un peu tout seul sans réfléchir, comme un robot qui exécute la même tache depuis des centaines de fois.

Arrivait au crux, ça colle, ça tient. Incroyable. Mais en même temps il faut rester lucide et ne pas tomber dans le dernier 8c+.

Les sensation après enchaînement :

Lorsque je me suis retrouvé en haut de la dernière partie dure, je ne comprenais pas bien, j’ai eu tellement de doutes, j’appréhendais tellement les derniers mouvements par peur de tomber. C’était là, c’était fait.

J’ai passé tellement de temps à exécuter les mêmes mouvements, à tomber des dizaines et dizaines de fois au même endroit.

C’est dur de réaliser.

Description de la voie : 

La voie commence avec un 8c de 5 dégaines pour arriver à un repos.

Ensuite il y a quelques mouvements pas trop durs pour rejoindre le premier pas de bloc en 8a (FB grade).

C’est un pas de bloc assez spécial, il faut jeter un pied droit comme sur les compétitions de bloc actuel. Puis il faut se propulser sur une colo très très loin. La condition physique ne permet pas de le réussir à tous les coups. C’est vraiment aléatoire.

Suite à cela il y a le second pas de bloc de la voie en 8a+ bloc (FB grade). Ce pas est vraiment très physique, il y a une pince main gauche à tenir pour aller dans une inversé qui zippe souvent. Cette section est pas mal dépendante de la friction. Les conditions météorologiques jouent beaucoup.

A la sortie de ce crux il y a un repos qui permet de récupérer ses esprits avant de repartir pour une dernière bagarre dans un 8c+ final.

Grimper en plein hiver : 

Je suis venu en plein hiver, il faisait -11° le matin… Je cassais les stalactites avant de grimper…

Je pensais que grimper avec des températures très fraiches (0° à -5°) m’aideraient beaucoup à tenir cette pince main gauche dans le crux. 

Comme je n’ai pratiquement jamais l’onglet, je me suis dit que c’était une bonne idée que d’essayer cette voie en hiver.

Cependant j’avais sous-estimé deux choses. 

La première était l’effet global du froid sur le corps. Je me sentais tout engourdi, et je bougé moins bien mon corps. Alors cette la friction était bonne, mais je bougeais moins bien et moins vite entre les prises. Je me sentais moins à l’aise. 

Et puis c’était difficile de se reposer pour un deuxième essai. Comme il faisait très froid, je n’avais pas envie d’attendre, et donc souvent je ne me reposais pas assez pour le deuxième essai.

Le deuxième effet insoupçonné est le changement rapide de conditions. Un matin tout est gelé, un autre tout est mouillé, puis il y a du vent, etc… Je ne savais pas si la voie aller être en condition le jour d’après. Si tout était gelé, c’était bon, car l’eau ne coulait pas sur les colonnettes dans ce cas. Si ce n’était pas gelé, mais qu’il y avait du vent, alors c’était bon aussi. Mais si ça dégelé, sans vent, alors les prises étaient mouillées. 

Parfois les prises clefs étaient assez sèches et je pouvais essayer, parfois non.

Cela jouait assez fort sur le moral, c’était difficile de rester sur place sans savoir si la voie sera essayable le lendemain.

Un projet à faible impact carbone : 

Trouver et équiper un projet comme celui-là à côté de la maison est vraiment une solution d’avenir pour notre mode de fonctionnement.

Pas d’avion, pas beaucoup de déplacement. Et une des lignes les plus belles au monde.

Des lignes non répétées :

Depuis plus de 10 ans, je réalise des premières ascensions à cette falaise de la ramirole, qui pour l’instant n’ont pas encore été répétées. Parmi les plus marquantes :

2014 : Pajarito 9a

2015 : A Muerte Bilou 9a

2016 : L’homme demain 9a+

2018 : La côte d’usure 9a+

2019 : La rage d’Adam 9b/+

2022 : DNA

Les Chiffres : 

I spent more than 150 days on the route.

I did more than 250 tries.

La cotation : 

C’est la grande question.

Il y a deux scénarios possibles, le 9b+ où le 9c.

Mais avant de me prononcer je vais peser le pour et le contre pour essayer d’avoir l’esprit le plus clair possible.

Je vais prendre différents paramètres pour tenter de taper au plus juste : Les comparaisons avec d’autres voies, le temps passé, le style de grimpe.

Le ressenti

Si je compare compare DNA avec d’autres voies que j’ai faite où que j’essai, c’est vraiment un cran au-dessus.

Si je compare avec Move 9b/+, si je compare avec Bibliographie 9b+, j’ai l’impression que cette voie est simplement plus dure.

 

Le temps passer à travailler la voie est aussi indicateur de la difficulté. J’ai passé au moins 150 journées dedans (je pense que c’est plus proche des 200, mais comme je ne suis pas sûr, restons sur 150).

J’ai passé environ 40 journées dans Bibliographie, et je n’étais vraiment pas loin de réussir (je suis tombé trois fois en haut de la voie). 

J’ai passé environ 40 journées pour réussir Move 9b/+

Environ 25 journées pour Mamichula 9b

Environ 50 journées pour Beyond intégral 9b/+

DNA est clairement la voie où j’ai passé le plus de temps. 

Non seulement je passais du temps, mais je me préparais physiquement à chaque fois pour être prêt.

Ce n’était pas juste aller à la falaise et essayer pour voir. Non je venais avec la ferme intention d’être prêt.

C’est la voie dans laquelle je me suis le plus investi.

 

Le dernier élément à prendre en compte est le style de grimpe. La Ramirole, c’est la falaise qui me convient le mieux, je pratique ce style depuis plus de 10 ans. 

Le fait que DNA soit 100% mon style de grimpe est à prendre en compte dans la cotation.

Par exemple, Ceuse et Bibliographie, ce n’est pas mon style de grimpe. Des petites prises et pas beaucoup de dévers, je ne suis pas très fort. 

 

Donc si je prends en compte le fait que cette voie me convienne parfaitement, le fait que j’y ai mis un investissement beaucoup plus grand que dans les autres voies, et que je ressens cette voie comme plus dure, le 9c semblerait approprié.

 

Cependant, j’ai quand même de gros doutes. Est-ce que cette voie serait du même acabit que Silence ? 

Est-ce que je n’ai pas passé tout ce temps en partie à cause du processus de première ascension ?

 

Choisir 9b+ serait la sécurité.

J’ai joué la sécurité depuis 2014 sur cette falaise en proposant des cotations bien serrées. Et au final personne n’a encore répété une de ces voies.

Je pense que si je propose 9b+, il y a peu de chance pour que quelqu’un vienne mettre l’investissement nécessaire pour cette voie. 

En France, j’ai réalisé plus de 20 premières ascensions entre le 9a et le 9b/+ qui n’ont jamais été répété.

 

Choisir le 9c, c’est prendre un risque. Un risque de voir sa voie décotée. 

Comme il n’y a qu’une proposition à 9c dans le monde, c’est assez dur d’être sûr et confiant.

Je n’ai jamais essayé une voie de difficulté similaire.

Il faut prendre le 9c comme une « proposition », qui a maintenant besoin d’autres grimpeurs pour donner leurs avis – afin de confirmer où ajuster.

C’est la manière dont sont construite les cotations : La somme des opinions rend la cotation de moins en moins subjective.

Notre sport est magnifique, nous n’avons pas besoin de juges, nous sommes les juges. Être athlète et juger sa propre performance, c’est beau, mais en même temps difficile.

 

C’est pourquoi j’aimerais inviter d’autres grimpeurs à venir essayer DNA.

C’est une voie magnifique, dans un lieu incroyable, pas trop excentré du reste du monde.

Je pense que DNA a tous les atouts pour intéresser et plaire.